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Nom scientifique: Dermochelys coriacea


Nom commun : Tortue luth


Classification: famille des Dermochelyidae


Particularités: c'est la plus grande tortue du monde. Elle pèse entre 400 et 500 kg (1000 kg pour les plus grosses, voire plus) et sa taille varie entre 160 cm et 220 cm. Espèce du grand large, elle se nourrit de méduses. Sur les plages de la réserve, elle nidifie toute l'année, mais l'essentiel des pontes se produit sur deux saisons de pontes distinctes : la petite saison , de novembre à février durant laquelle les effectifs sont faibles et la grande saison, d'avril à mi-juillet au cours de laquelle les tortues peuvent être très nombreuses. Chaque femelle revient pondre jusqu'à 150 oeufs par nid plusieurs fois (5 et 7 fois en moyenne) par saison, à une dizaine de jours d'intervalle.

La Réserve Naturelle de l'Amana constitue l'une des plus importantes zones de pontes du monde pour les Tortues luth.

 


Plus d'informations sur les tortues luth

 

Description générale

Appartenant aux Dermochelydae, Elle n'a pas de plaques cornées ("écailles"), cependant les jeunes en possèdent pendant les quelques semaines qui suivent leur naissance.
Sa peau gris bleue a une texture semblable au cuir, et comporte des taches bleu pâle. On observe la présence de 7 carènes crénelées (5 dorsales et 2 latérales), qui se prolongent vers l'arrière pour former un rostre supracaudal.
Ses pattes antérieures sont très longues, et adaptées à la nage pélagique, les pattes arrières servant de gouvernail.

Une espèce protégée

L'espèce fait partie des espèces mentionnées à l'annexe 1 de la convention de Washington sur le commerce international de la faune et de la flore sauvage menacées d'extinction (3 mars 1973). Cette annexe comprend toutes les espèces menacées d'extinction qui sont ou qui pourraient être affectées par le commerce… "le commerce des spécimens de ces espèces doit être soumis à une réglementation particulièrement stricte afin de ne pas mettre davantage leur survie en danger, et ne doit être autorisé que dans des conditions exceptionnelles…". C'est par l'arrêté du 29 mars 1988 que la CEE fixe les modalités d'application de la convention de Washington. Il se base notamment sur le règlement CEE numéro 3626/82 du 3 décembre 1982, qui s'applique à tout animal vivant ou mort de l'annexe 1, ainsi qu'à certaines parties (comme les œufs et la viande des tortues, la carapace des tortues marines).

Il existe aussi l'arrêté ministériel du 17 juillet 1991 (paru au J.O. du 17 août 1991) pour la protection des tortues en Guyane (par le ministre de l'environnement et le secrétaire d'Etat à la mer) :

Art. 1er. - Sont interdits dans le département de la Guyane et en tout temps la destruction ou l’enlèvement des œufs et des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la naturalisation ou, qu’ils soient vivants ou morts, le transport, le colportage, l’utilisation, la mise en vente, la vente ou l’achat de spécimens des espèces de tortues marines suivantes :

  • Tortue luth (Dermochelys coriacea);

  • Tortue caouanne (Caretta caretta);

  • Tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea);

  • Tortue de Riddley (Lepidochelys kempii);

  • Tortue à écailles (Eretmochelys imbricata);

  • Tortue verte (Chelonia mydas).

  

Art. 2. - Le directeur de la protection de la nature et le directeur des pêches maritimes et des cultures marines sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Notons aussi que la Tortue luth est gravement menacée d'extinction selon la liste rouge de l’UICN (Union mondiale pour la conservation de la nature)

 

Habitat et distribution

Présente sous de nombreuses latitudes et vivant au grand large, elle préfère les eaux chaudes ou tempérées mais peut aller en eaux froides. Sa présence près des côtes n' est observée qu'en période de reproduction.

Capable de très grands déplacements, les individus utilisent quatre zones de nourrissage (Floride, Cap vert, Canada, Côte Atlantique ouest de la France).

Elle pond sporadiquement sur les plages d'une soixantaine de pays mais il n'y a que quelques sites importants et réguliers pour la ponte : le Mexique, le Surinam, la Guyane française, la Malaisie, le Golf de Guinée.

 

Nourriture

Les adultes consomment des invertébrés vivant au grand large comme les méduses, mais ils ne dédaignent pas non plus les poissons. L'alimentation des jeunes est peu connue, mais elle est vraisemblablement à base de petits invertébrés marins… (J. Fretey).

Reproduction

L'accouplement a lieu en mer. Environ un mois après la femelle monte sur la plage pour creuser un nid et y pondre ses œufs.

Cette ponte dure environ 1h30 à 2h et on peut l'observer essentiellement la nuit (2h avant et deux heures après la marée haute). Elle préfère les plages sableuses non envahies par la végétation. Les différentes étapes de cette ponte sont :

  • l'atterrissage (arrivée sur la plage)
  • le balayage (nettoyage de l'air de ponte)
  • le creusement du nid (80 cm de profondeur et 30 cm de large)
  • la ponte
  • le comblement du nid
  • le balayage pour camoufler le nid
  • le départ

La saison de ponte dure toute l'année avec une grande saison entre avril et juillet (constatée sur les plages de Guyane française), et une petite saison . Une femelle peut pondre 5 à 7 fois dans la saison.
On compte en moyenne de 60 à 120 œufs par ponte dont 20 % environ d'œufs stériles, souvent expulsés en dernier. Peut-être jouent-ils un rôle dans la protection mécanique ou thermique des autres œufs ?
L'incubation dure entre 60 et 74 jours. Quand les petits sortent des œufs, ils remontent progressivement vers le haut du nid (en 4 à 5 jours), puis attendent à dix centimètres sous le sable, le moment propice (après une averse, ou le soir et la nuit) pour émerger du sable et se diriger vers la mer.
On pense qu'ils sont guidés par la luminosité de l'eau, et la pente de la plage.

 

Menaces et prédations

En 1992 on notait 50 000 pontes sur les plages de Awala-Yalimapo contre 10 000 en 2000.

Il existe des prédateurs naturels pour les adultes (orque, grands requins, grand félins comme le jaguar). Notons que l'action de l'Homme sur les populations de Tortue Luth n'est pas négligeable, par la pollution (sac plastique), les prises accidentelles dans les filets de pêche, l'aménagement des plages.

Les jeunes sont souvent la proie des oiseaux (Urubu, Caracara à tête jaune, Grand duc de Virginie), des crabes, poisson (Machoiran), mammifères (chien, Ratons crabiers) voire du piétinement des Hommes.

Raton crabier (Procyon cancrivorus),espèce protégée

Quant aux œufs, ils peuvent être mangés par les chiens, les Hommes, un insecte (la Courtilière).


Courtilière (Gryllotalpa gryllotalpa)

Les nids peuvent être détruits par l'érosion de la plage, l'eau de mer, une tortue creusant un aure nid !

 


 

Extrait du rapport d'activité de la Réserve Naturelle de l'Amana en 2003 (par Noémi Morgensterne, conservatrice)

Les menaces rencontrées dans la protection des tortues marines sur la Réserve Naturelle de l'Amana sont de plusieurs natures :

  • Les captures accidentelles en mer

Les bateaux de bois originaires du Surinam voisin, dites " tapouilles " et souvent menées par des équipages guyaniens ou surinamais, viennent pêcher illégalement dans les eaux territoriales de Guyane et devant les plages de la Réserve Naturelle de l'Amana.
Les pêcheurs utilisent des filets à grande maille, parfois longs de plusieurs kilomètres, qu’ils laissent dériver plusieurs heures d’affilée. Ces filets dérivants attrapent de nombreuses proies et pas uniquement des poissons.
Des tortues marines, des lamantins, des dauphins sont régulièrement attrapés et meurent noyés dans ces filets. Ces animaux sont morts noyés des suites d’une prise dans des filets issus des tapouilles.

Les pêcheurs locaux de Awala-Yalimapo utilisent, quant à eux, des filets à petites mailles. Ces filets sont souvent installés le long des plages, tout près du village de Awala-Yalimapo, ce qui entraîne régulièrement une prise de tortue marine. Il faut alors libérer la tortue emmaillotée (sauvetage de tortue) de sorte qu’elle cause le moins de dégâts possible sur le filet, d’une longueur maximale de quelques centaines de mètres.

  • Les prélèvements à caractère culturel

Certaines mœurs traditionnelles et alimentaires de quelques populations locales : Kali’na, Indonésiens, Créoles, etc. originaires ou vivants en Guyane ou au Surinam, sont contraires à la loi française et à la protection internationale des tortues marines. En effet, à chaque saison de ponte, des prélèvements d’œufs sont effectués par ces populations à des fins de consommation familiale.

Peu de viande de tortue marine est consommée aujourd’hui en Guyane, mais il faut rappeler que jusque dans les années 1950, des Tortues vertes étaient vendues entières pour leur viande au marché de Saint-Laurent du Maroni ou auprès des bagnards directement.

  • Les prélèvements à des fins commerciales

Le braconnage, composé de prélèvements massifs d’œufs de tortues marines pour le commerce, est chaque année constaté et déploré sur les plages de la Réserve Naturelle de l'Amana. Assurément, un œuf de tortue a une valeur marchande indéniable, allant jusqu’à plusieurs euros, notamment sur le marché surinamais, ce qui attire facilement les braconniers. Les plages de la Réserve Naturelle de l'Amana, nombreuses et souvent isolées, ne peuvent malheureusement toutes être suivies et surveillées jour et nuit durant la grande saison de ponte des tortues marines. Ainsi, les braconniers font leur possible pour continuer à prélever des œufs de ces espèces fragiles, et à participer à un marché lucratif et quasi sans risque.

  • Les problèmes liés à l’anthropisation du littoral

La présence des hommes entraîne inévitablement la présence d’animaux domestiques, notamment les chiens. Or, certains chiens dans l’Ouest de la Guyane, sont souvent mal nourris et laissés errants et divagants par leurs maîtres, lorsqu’ils ont des maîtres. Outre les maladies et parasites véhiculés, les morsures et attaques rencontrées auprès des promeneurs non prévenus, ces chiens creusent et déterrent les nids de tortues marines, mangent les œufs ou détériorent ce qui reste des nids déterrés (consommés alors par les crabes, les urubus…). Ils attaquent également les tortues marines adultes alors qu’elles ne peuvent bouger durant la phase délicate de la ponte, cela entraîne un départ prématuré de la tortue, qui retourne à la mer, parfois blessée, sans avoir pondu ou terminé sa ponte. Les chiens mangent également les bébés tortues à l’émergence et on assiste alors à un véritable massacre. La présence de ces chiens à Awala-Yalimapo cause de véritables problèmes face à la protection des tortues marines. Une solution serait qu’un arrêté municipal permette la récupération de ces chiens, majoritairement sans maître, leur mise en fourrière ou leur placement auprès de la SPA.

La présence des tortues marines sur le littoral guyanais, la médiatisation de leur ponte dans les années 1980, l’amélioration du système routier de l’Ouest guyanais a attiré un public sans cesse plus nombreux, venant parfois directement de métropole pour assister à ce phénomène unique.

Les touristes, sans encadrement ni accompagnement, sans sensibilisation ou formation préalable, sont susceptibles de causer des dommages et des dérangements importants aux tortues marines durant leur ponte pouvant entraîner le retour prématuré des adultes en mer, ainsi que de profondes désorientations des adultes ou des bébés à l’émergence. Il est indispensable que les touristes soient sensibilisés afin que les dérangements occasionnés par leur présence soient minimes. Cette sensibilisation passe par de la distribution d’informations orales et écrites, des animations sur plage, des projections et un musée au sein de la maison de la Réserve Naturelle de l'Amana.

Un autre problème réside dans la lumière. Les lumières désorientent les tortues marines, adultes et bébés. Or, les lumières sont importantes au développement et à la sécurité de villes et villages ou indispensables à la circulation des voitures de nuit. Ainsi, le parking de Yalimapo, situé devant la plage accueille de nombreux visiteurs qui viennent de nuit pour observer les tortues. Les phares sont gênants pour les tortues marines. De plus, la commune de Awala-Yalimapo se dote de lampadaires depuis l’année 2002. Il faudra toutefois concevoir des lampadaires municipaux sur la zone de Yalimapo qui ne dérangent pas les pontes de tortues marines sur les plages toutes proches de la Réserve Naturelle de l'Amana et qui soient en harmonie avec la réglementation de la Réserve Naturelle de l'Amana.


 

Bibliographie

  • Les tortues marines, rapport du WWF sur le statut des espèces (2000)
  • Bilan d'activité de la Réserve naturelle de l'Amana en 2003, par Noémi Morgenstern, conservatrice (cliquez ici)
  • Les tortues marines , par Jacques Fretey (collection Saga, dans la documentation guyanaise, 1988)
  • Site internet http://www.legifrance.gouv.fr pour l'arrêté de juillet 1991 (adresse précise http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ENVN9161226A)
  • Protection de la nature, faune et flore sauvage, convention de Washington ( journal officiel de la République française, édition d'avril 1988).

 

auteur: Odile Belrose, juillet 2004, photographies: O.Belrose